Michelet, à la recherche de l'identité de la France: de la fusion nationale au conflit des traditions
Aurélien AraminiAuteur d'une monumentale Histoire de France, Michelet (1798-1874) n’acessé, tout au long de son oeuvre, de s’interroger sur le sens del’histoire et sur ce que la France a apporté à l’humanité. Puisant àdes sources aussi diverses que la philosophie de Vico,l’historiographie libérale de Guizot, l’Éclectisme de Cousin ou lestravaux de linguistes orientalistes comme Eugène Burnouf ou Renan, laphilosophie de celui qui fut responsable de la section historique desArchives et professeur au Collège de France se cristallise autourd’une question qui n’a rien perdu de son actualité: en quoi consistel’identité de la France et, partant, quelle place lui accorder dansl’histoire universelle aux côtés de la Grèce, de Rome ou de la Judée?Au cours d’une quête philosophique, historique mais aussi politique,l’auteur du Peuple construit deux concepts grâce auxquels l’histoireuniverselle est comprise comme une totalité sensé celui de «fusion»et celui de «tradition». En abandonnant la conception «fusionnelle» dela nation française développée dans l’Introduction à l’histoireuniverselle (1831) au profit d’une pensée de la «tradition» dans laBible de l’humanité (1864), la dynamique du parcours intellectuel deMichelet révèle les aspirations, les souffrances et les errances d’unsiècle qui cherche dans l’histoire la clef de l’avenir. Au-delà de sestensions entre une vision prométhéenne du devenir de l’humanité et uneforme quelquefois ambiguë de naturalisme, l’oeuvre foisonnante del’historien philosophe - même si elle est parfois datée - demeureprofondément féconde à notre époque où s’estompe la conviction que laRévolution fait partie de l’identité de la France.